Deir el-Médineh

C’est au XVIè siècle av J.-C., que le pharaon Thoutmosis Ier (XVIIIè dynastie) aurait fondé le village de Deir el-Médineh. D’autres spécialistes mentionnent son père Aménophis Ier comme le fondateur. Son nom antique, Set Maât her imenty Ouaset, signifie « La place de Maât (ou Place de vérité) à l'occident de Thèbes ». Destiné aux ouvriers et aux artisans employés à la construction et à l’ornementation des tombes de la Vallée des Rois, le village se situe à l’ouest des hauteurs de Gournet Mourrai, de l’autre coté du Nil dans la partie désertique face à Thèbes dont s’ouvre une étroite vallée où se trouvent les ruines du village. L’endroit, sauvage, est d’un accès difficile. Durant ses quatre siècles et demi d’existence, le village s’étendit et les flancs des collines qui l’entouraient se couvrirent de tombes appartenant aux ouvriers et à leurs familles.

Village des ouvriers de Deir el-Médineh

Les habitants du village appartenaient à une classe sociale modeste et venaient de toutes les contrées d’Égypte. Les ouvriers faisaient partie d’une corporation hiérarchisée comptant des artistes, des artisans, des manœuvres, des gardiens et des employés au ravitaillement. Les ouvriers travaillaient neuf jours consécutifs et bénéficiaient d’un jour de repos qu’ils consacraient à la construction de leur propre caveau. La police, dont les postes se situaient aux deux portes de l’agglomération, assuraient le maintien de l’ordre. Le village comprenait également un tribunal composé des ouvriers eux même et d’une école. Les habitants avaient la possibilité de visiter les sanctuaires établis dans la vallée, consacrés aux divinités nationales comme Râ-Horakhti, Hathor, Osiris, Amon, Mout et Khonsou ou les dieux liés à Deir el-Médineh : Ptah, Merséger (protectrice du village), et le souverain divinisé Aménophis Ier (fondateur du village) et sa mère Ahmès-Néfertari.

Plan du village de Deir el-Médineh

Vue aérienne du village de Deir el-Médineh

Le village était aménagé selon un quadrillage rectangulaire entouré d'un mur d’enceinte et occupait une superficie de 5600 mètres et contenait jusqu’à 120 maisons à la fin de son hypogé sous Ramsès II. Au nord s’ouvrait une porte, et les petites maisons, conçues sur un plan identique et serrées les unes contre les autres, s’ouvraient sur une rue qui traversait le village dans toute sa longueur. Les maisons étaient conçues comme de longs rectangles allant de la rue au mur d'enceinte. La porte d’entrée donnait accès à une pièce dont le niveau était inférieur à celui de la rue. Bruyère donna à cette pièce le nom de « salle du lit clos » car il ci trouvait une structure en brique ressemblant à un lit. Puis, de cette salle, on pénétrait dans une pièce plus grande dont le plafond était soutenu par un ou deux piliers. Une sorte de divan en brique était adossé à une paroi, d’où le nom de « salle du divan ». Dans le sol de cette pièce, un accès conduisait à un réduit à demi enterré, où étaient probablement déposés les biens personnels de la famille. La partie postérieure de la maison comprenait une ou deux pièces de petites dimensions (qui pouvait être utilisées comme chambres à coucher) et une cuisine équipée d’un fourneau, d’une huche et d’un silo à grain. La cuisine pouvait être aménagée d’une cave creusée dans le sol pouvait pour y stocker de la nourriture. Dans cette dernière partie de la maison, on pouvait gagner le toit à l’aide d’un escalier ou d’une échelle. Les fenêtres placées en hauteur, permettait à la maison d’être fraîche en été et chaude en hiver.

Plan et élévation d'une maison d’après N. Grima

Maison de Deir el-Médineh  Structure dite  (lit-clos)  construite en briques de terre crue à l'intérieur d'une maison du village de Deir el-Médineh.

Le village n'était pas autosuffisant. Les membres de cette communauté étaient exclusivement tributaires des approvisionnements fournis chaque mois par le gouvernement. L’eau elle-même devait venir de l’extérieur, et certains habitants du village étaient désignés chaque jour pour conduire de longues caravanes d’ânes vers les puits creusés dans la zone irriguée à 2 kilomètres du village. La rétribution d’un ouvrier consistait en denrées de première nécessité qui comprenait : du blé et de l’orge, du froment, du poisson frais, des légumes, du bois pour le feu et vêtements. Parfois le souverain accordait à ses ouvriers, de la viande, du sel et du vin. Il en va de même, pour les outils ou articles ménagers nécessaires. Toutes ces nécessités devaient être livrées au village depuis Thèbes.

Entrée de la rue principale de Deir el-Médineh  Ruines des habitations de Deir el-Médineh  Habitations de Deir el-Médineh

En 1156 avant notre ère, sous le règne de Ramsès III, le retard de paiement a conduit à la première grève du travail enregistrée dans l'histoire. L'Égypte était aux prises avec des ressources limitées dû aux expéditions militaires que Ramsès III mena contre les peuples de la mer durant onze années, et cet événement, associé à de mauvaises récoltes, à des fonctionnaires corrompus et à la préparation du festival Heb-Sed de Ramsès III, a causé un paiement mensuel en retard. Les ouvriers déposèrent leurs outils et marchèrent sur Thèbes pour réclamer leur salaire. Lorsque le système de paiement des travailleurs de Deir el-Médineh est tombé en panne, ce n'était pas seulement une question de retard de paiement, mais une trahison du ma'at (harmonie), la valeur culturelle fondamentale de la société. Bien que les travailleurs aient finalement reçu leur salaire, la grève marqua le début d'une rupture d'approvisionnement qui finira par conduire à la fin de la communauté. L’habitat fut brutalement abandonné au cours de la XXIè dynastie. Le grand nombre d’objets de la vie quotidienne laissés parmi les vestiges des habitations, laissent supposer un départ précipité de tous les habitants.

Papyrus relatant la grève des ouvriers à Deir el-Médineh vers  1152 avant notre ère

Deir el-Médineh devint célèbre pour la richesse et la diversité des trouvailles qu’on y effectua. Les premiers amateurs d’antiquités, il faut citer le sculpteur français Jean-Jacques Rifaud, qui travaillait pour le consul général de France et le piémontais Bernardino Drovetti parmi d’autres. Pendant près d’un demi-siècle, le village fut dépouillé de tout ce qui pouvait enrichir les maisons des particuliers ou les salles de musées. La tombe de Sennedjem, découverte en 1886 marqua le début de l’exploration scientifique du site. L’égyptologue français Gaston Maspero se rendit aussitôt sur place et put travailler à l’étude de certains objets.

Pyramide tombe de Senedjem - Deir el-Médineh

En 1905 sous la direction d’Ernesto Schiaparelli, directeur du Musée royal de Turin, une délégation de savants italiens se rendirent à Deir el-Médineh. Leurs recherches se concentrèrent dans le secteur septentrionale de la nécropole et proche du temple d’Hathor et de Maât. Ils mirent au jour deux amphores hermétiques scellées qui contenaient quarante cinq papyrus administratif en démotique et neuf papyrus en grec.

Temple ptolémaïque et mur d'enceinte de Deir el-Médineh  Temple ptolémaïque de Deir el-Médineh consacré à la déesse Hathor et Maât

En 1906, une seconde campagne de fouille, toujours mené par Schiaparelli et ses collaborateurs fut organisée au pied de la colline au nord-ouest de la vallée. Apres des jours et des jours de fouilles par les archéologues italiens, une rangé de marches descendant en pente raide vers la colline, fit renaitre l’espoir de trouver une tombe intacte. Leurs efforts furent récompensés par la découverte de la tombe inviolée de l’Architecte Kha, qui vécut sous le règne d’Aménophis II. Tout le contenu de la tombe fut transporté au musée de Turin où on peut encore le voir aujourd’hui. En 1909, Schiaparelli revint pour explorer la partie nord du village, mais il fut appelé à entreprendre des fouilles sur d’autres sites égyptiens et ne revint plus à Deir el-Médineh. Au fil des années, plusieurs campagnes de fouilles furent menées :

En 1911 et 1913 ; mission archéologique allemande dirigée par Georg Möller.

En 1912 ; service des antiquités égyptienne sous la direction d’Emile Baraize chargé de la restauration des temples d’Hathor et de Maât.

En 1917 et 1918 ; deux archéologues français, L. Dunay et Henri Gauthier de l’institut français d’archéologie orientale (I.F.A.O) et,

En 1918 jusqu’à l’hiver 1921-1922 ; deux archéologues français, Saint-Paul Girard et Charles Kuentz de l’institut français d’archéologie orientale (I.F.A.O).

En 1921 à 1956 ; Bernard Bruyère égyptologue français de l’institut français d’archéologie orientale (I.F.A.O) qui travailla à la restitution complète du village, ainsi qu’aux fouilles et à la restauration. En 1925 l’égyptologue tchèque Jaroslav Černý, rejoint Bernard Bruyère où tous deux procédaient à quelques recherches. En 1948, près du temple Ptolémaïque, l’équipe de Bruyère, mis au jour des milliers de fragments de vases et d’éclats de calcaire (ostraca) qui portaient des inscriptions en caractère hiératique. Ce trou, appelé « puits aux ostraca » d’une profondeur de 50 mètres, servi de dépotoir aux habitants du village qui y jetèrent plus de 5000 ostraca constituant des archives documentaires, des textes littéraires et des textes sur le quotidien des habitants. Ces sources permirent de connaître avec précision la vie de ces ouvriers spécialisés.

    Puits à ostraca et temple Ptolémaïque de Deir el-Médineh

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